Joseph Delteil, Jeanne d'Arc (1925) Le narrateur évoque Jeanne d'Arc enfant.
O petite nébuleuse rose encore prise dans la légère matière, déjà
chair et encore éther, amas de vie toute tremblotante dans tes glaires, masse d'hydrogène ivre de
condensation, doux grammes de plasma ravis à l'impondérable Substance, structure venue du fond des
Siècles, lignes émanées du grand Tout, ô enfant d'homme, ô fleur
de son péché, ô signe de son immortalité !
Oui, corps encore corselet, chair encore incarnadine, enfant encore enfantelette, mais déjà créature
pourvue de son noyau, départagée entre l'Esprit et la Matière, accessible de toutes parts
à l'Assimilation, âme sanguinolente et déjà femme éternelle, ô Être
déjà et déjà Vie !
Hé quoi ! nul encore n'a songé à considérer Jeanne dans sa source de chair ! Nul n'a
compris que Jeanne, c'est par excellence l'Enfant, et que l'Enfant, c'est de l'humain à l'état pur
! Hypnotisés par une armure de fer, ils ont omis l'essentiel : l'éclosion simultanée, le parallèle
agrandissement de l'âme et du corps dans le moule de la nature. Or, les plus fortes, les plus sûres
racines de l'homme plongent dans les molles
veines de bébé.
Pour moi, c'est dans ton berceau, Jeanne, qu'il me plait de rechercher les signes de ta vie ; c'est dans ta naturelle
enfance que je place le sens et la base et la raison de ta surnaturelle grandeur !
Etude stylistique de ce passage : ICI